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L’agrivoltaïsme, Qu’est-ce que c’est ? Comment ça marche ? Quel montage juridique ?

26 septembre 2023

par Frédéric Schuller, Notaire, ÉTUDE BENEDETTI, WI&NE Occitanie

Si l’on est à présent habitués lorsque l’on sillonne en voiture la campagne de notre belle France à croiser de vastes étendues recouvertes de panneaux photovoltaïques, on commence à rencontrer depuis une période plus récente des champs de panneaux surélevés, en dessous desquels existent des cultures agricoles ou viticoles.

Ces panneaux surélevés, dits ombrières, sont mobiles en étant rétractables les uns sur les autres ou bien en pivotant sur leur propre axe à la façon de persiennes, de sorte à exposer un maximum de surface au soleil et à laisser passer les quantités désirées de lumière ou d’eau pour la plante au sol.  L’intérêt premier de cette superposition saute aux yeux ! En l’air, comme pour l’exploitation photovoltaïque classique au sol, on produit de l’énergie verte. Mais au sol, on continue une exploitation au lieu de sacrifier des terres agricoles.

À côté de cet intérêt intrinsèque existe une multitude de bénéfices parallèles pour le viticulteur comme la protection induite pour les cultures par ce parasol (ou parapluie) au-dessus des fruits. On imagine les mérites en cas de grêle, de gel ou de canicule et aussi les possibilités de pilotage à distance de l’exploitation grâce à l’envoi des données en temps réel (hydrométrie, pluviométrie, température, ensoleillement, contrôle du stress hydrique…).

Mais sur ce plan technique, je cèderai volontiers ma place pour laisser la parole aux sachants et sorciers de la technique, en la personne de nos partenaires de SUN’AGRI, également membres de WI&NE. L’objet de ce bref article est donc de vous expliquer de manière très synthétique le processus juridique que je préconise en tant qu’expert WI&NE pour une telle opération.

Il s’agira pour le notaire de mettre en place un bail à long terme au profit de l’exploitant des panneaux photovoltaïques (2) après avoir découpé en deux volumes l’espace entre la partie « sol » conservée par le viticulteur et la partie « air » louée (1).

1.La division des espaces en volumes   

Dans un premier temps, il s’agira de diviser en deux volumes, de manière horizontale, la parcelle qui fera l’objet du programme photovoltaïque.

Pourquoi est-il nécessaire d’établir cette division ? Afin de délimiter les zones dans lesquelles le bailleur et le locataire pourront exercer de manière pleine et privative leurs droits. Exactement comme si une parcelle était divisée en deux (non plus horizontalement, mais verticalement cette fois) et bornée par les deux nouveaux voisins avant de bâtir le mur de séparation.

Seront issues de cette division :

D’une part, la masse volumique du sol qui comprendra en plus du sol stricto sensu le sous-sol, et ce qu’il y aura au-dessus du sol jusqu’à une hauteur de quatre mètres environ. Ce volume « sol » englobe donc la culture qui sera maintenue sur les parcelles. Des vignes bien évidemment, mais aussi souvent des grenades dans notre région ou diverses autres espèces.

D’autre part, le volume « air » qui comprendra tout ce qui se trouve au-dessus de la ligne imaginaire, à laquelle s’arrête le volume « sol », soit à partir de quatre mètres de haut. Ce volume a donc vocation à inclure les panneaux photovoltaïques qui seront mis en place par leur exploitant au-dessus des cultures exploitées au volume « sol ».

Cette division en volumes prendra la forme technique d’un état descriptif de division à établir par un géomètre-expert qui dressera les plans nécessaires et fera les relevés altimétriques qui délimiteront dans l’espace le début et la fin exacte de chaque volume. Puis, l’état descriptif fera l’objet d’un acte notarié pour notamment publication au service de publicité foncière, au cadastre, aux impôts…

La division en volumes opérée, les relations des parties vont pouvoir être définies.

2. Le bail emphytéotique

Il s’agit d’un contrat, c’est-à-dire que le propriétaire-bailleur consentira des droits à l’exploitant-preneur des ombrières, lequel en contrepartie versera une redevance (encore appelée parfois le canon emphytéotique) et par son activité apportera des bénéfices dont jouira le bailleur-exploitant des cultures au sol. Sur le volume dont il est locataire et grâce aux installations qu’il aura réalisées, le preneur produira de l’énergie et la revendra.

Toutefois, le bail emphytéotique comporte deux spécificités majeures et remarquables.

Il est consenti pour une durée longue, à minima 18 ans, bien souvent 30 ou 40 ans en pratique. La pérennité de cette relation contractuelle est un gage de stabilité tant pour le preneur à bail, qui réalise des installations lourdes et doit les amortir sur la durée, que pour le bailleur qui non seulement se sait bénéficiaire d’un revenu supplémentaire au long cours, mais qui développera de nouvelles formes et méthodes de culture et de commercialisation adaptée à la donne.

En parallèle, effet qui découle de la caractéristique précédente, le bail emphytéotique confère au preneur un droit dit « réel ». Pour vulgariser, l’exploitant de la centrale photovoltaïque sera considéré pendant toute la durée du bail comme un propriétaire établi pouvant hypothéquer son droit (souvent indispensable pour le financement des installations), mais aussi le céder à un nouveau preneur qui devra, bien sûr, respecter les conditions prévues au bail d’origine. C’est ce que l’on appelle une emphytéose.

C’est par un système complexe et particulier de servitudes réciproques que certaines relations d’interdépendance entre les deux volumes seront gouvernées.
Au terme de ce bail coexistent plusieurs possibilités : soit la prorogation pour une nouvelle période aux mêmes conditions ou à de nouvelles conditions ; soit sa caducité. Dans ce dernier cas, le bailleur pourra devenir propriétaire des installations photovoltaïques du preneur et, en théorie, les utiliser ou les louer à un nouvel opérateur. S’il préfère, il pourra aussi demander au preneur sortant de démanteler les infrastructures.

Synthèse

Le bail emphytéotique permettra d’une part à un propriétaire foncier, particulièrement au viticulteur, de participer à un projet de production d’énergie verte. Il en retirera une image, aujourd’hui, valorisée sur les marchés tout en recevant un loyer pour la surface mise à disposition (qui, vu la hauteur, serait pour son exploitation improductive) et en y percevant des bénéfices culturaux en matière d’exploitation et de pilotage de la vigne. 

Pour l’exploitant, il sera question de trouver de la surface ensoleillée disponible, à un coût bien plus faible qu’en cas d’acquisition (d’autant que les droits d’enregistrement sont minimes pour l’opération), tout en bénéficiant de prérogatives solidement établies.

Les droits et obligations de chacun, comme dans toute relation juridique à très long terme, soumise à des aléas imprévisibles, devront être rédigés de manière équilibrée et précise dans un acte notarié incontestable et dont la conservation est assurée par un officier public. 

L’expérience du notaire en la matière sera gage de succès.

Les actes signés, le soleil n’aura plus qu’à briller et les vignes à pousser !

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